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L’illicéité ou déloyauté dans l’obtention ou dans la production d’une preuve devant le conseil de prud’hommes ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats», a précisé la chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt du 22 décembre 2023.
Rappelons que ce qui a été considéré depuis comme un revirement de jurisprudence n’exclut personne, l’employeur peut bien depuis et pour l’avenir s’en approprier les effets pratiques dans le cadre de son pouvoir disciplinaire.
En effet, suite à cette décision, certains y voyaient surtout un signe d’encouragement donné aux salariés amateurs de captations audio en tous genres au sein de l’entreprise, créant ainsi un climat malsain et des pratiques contraires à la confiance, au principe de « loyauté » contractuelle (sans mauvais jeu de mots) entre les parties.
D’autres ne voyaient aucune dérive mais plutôt un rappel du droit au procès équitable, un rétablissement de l’égalité pour le salarié dans son droit d’accès à la preuve du fait du déséquilibre à l’origine dans la relation salarié/employeur.
Dans un arrêt du 11 février 2024, après avoir déjà sous-entendu par son arrêt du 17 janvier dernier que sa décision du 22 décembre 2023 n’était finalement qu’une exception, certes bien cadrée, à sa position ancienne sur la loyauté de la preuve en matière civile, la Cour de cassation poursuit son raisonnement sur la preuve illicite produite en justice, côté employeur.
La Cour a pu juger dans cette affaire que dans le contexte d’une disparation d’éléments du stock de l’entreprise, un employeur, soucieux de la sécurité de ses biens, et qui visionne (uniquement par l’intermédiaire de sa dirigeante) des enregistrements vidéo de ses caisses dans un temps limité, après des premières recherches restées infructueuses auprès des clients (démarque), peut valablement produire ses éléments vidéo devant la justice pour justifier de sa sanction disciplinaire (licenciement en l’espèce).
Dans ce contexte, pour la Cour, l’employeur ne portait pas atteinte à la vie privée de son salarié (lorsque elle cherchait la défense de ses propres intérêts) ou alors de manière proportionnée, ce procédé s’inscrivant dans le cadre de son droit au bon fonctionnement de l’entreprise. Une condition cependant : il n’existait aucun autre moyen pour l’employeur de parvenir à un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié.
Le fait que le système de télésurveillance n’ait été porté à la connaissance des collaborateurs de l’entreprise, des institutions représentatives du personnel ou le fait qu’il n’ait été soumis à autorisation préfectorale ne changeait rien à l’affaire.
Finalement, que ce soit côté salarié ou employeur, posons-nous les bonnes questions : dans quel but précis à l’origine je mets en place mon enregistrement, dans quel contexte (alertes à l’employeur ou de l’employeur) je décide de passer directement par ce process qui n’est pas porté à la connaissance de mon interlocuteur et que vais-je faire de ma récolte d’informations (négociation – conseil de prud’hommes?
Jérémie AHARFI
Avocat droit du travail – Salarié cadres
Barreau de Toulouse
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