L’abandon de poste : la fausse bonne idée…

14 mars 2018

Employeurs, salariés : l’abandon de poste, la fausse bonne idée..

Par un arrêt du 9 novembre 2017 (Cass. soc. 9-11-17 n° 16-16.948), la Cour de cassation rappelle qu’en l’absence de visite de reprise, le contrat de travail demeure suspendu, de sorte que sauf manquement du salarié à son obligation de loyauté, l’employeur ne peut tirer du seul argument d’un abandon de poste pour prononcer un licenciement pour faute grave à son encontre.

En effet, pendant l’arrêt de travail du salarié, rappelons que:

  • seule la faute grave caractérisée résultant de faits commis pendant ou avant l’arrêt de travail peut justifier un licenciement pour faute grave.

Aussi,

  • seule l’absence prolongée du salarié causant une désorganisation de l’entreprise et nécessitant son remplacement à son poste par une embauche sous contrat à durée indéterminée, ou l’existence de difficultés économiques de l’employeur peuvent sous certaines conditions justifier un licenciement ayant une cause réelle et sérieuse

Voir à ce propos :

https://aharfi-avocat.fr/3-idees-recues-des-salaries-et-employeurs-sur-larret-maladie/

Salariés, en cas de licenciement pour grave décidée par votre employeur, l’abandon de poste pourrait vous priver:

  • de vos salaires entre l’abandon de poste et la rupture effective du contrat de travail
  • de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
  • du droit d’exécuter votre préavis ou de percevoir une indemnité compensatrice de préavis
  • il pourrait aussi nuire à votre projet professionnel car il ne s’agit ni d’une rupture négociée ni d’une rupture soumise à confidentialité par protocole transactionnel.

Néanmoins, il est admis que tout licenciement, qu’elle qu’en soit la motivation, vous permettrait de recevoir votre attestation Pôle emploi synonyme d’allocations A.R.E. (Chômage) pendant en principe une période de 4 à 24 mois.

Enfin, il existe toujours un risque de voir l’employeur faire perdurer la situation en établissant des bulletins de paie à zéro au lieu de vous licencier immédiatement. Dès lors vous restez dans les effectifs de la société sans rémunération, sans possibilité d’être embauché par un autre employeur tout en sachant que vos indemnités journalières cesseront probablement d’être versées à un moment par le Caisse Primaire d’Assurance Maladie après  la ou les visites de médecin contrôleur de l’organisme de sécurité sociale.

Employeurs, la faute grave et le motif réel et sérieux du licenciement ne se déduisent pas de l’abandon de poste mais uniquement dans certains cas, de ses conséquences.

A défaut, comme le rappelle justement la Cour de Cassation, vous ne pourrez justifier un licenciement pour faute grave du fait d’un abandon de poste.

Dans tous les cas, employeurs vous devez prendre 3 précautions majeures sous peine de voir la contestation et la requalification du licenciement par votre salarié prospérer devant le Conseil des Prud’hommes :

  • pour le cas particulier de la faute grave dans le cadre d’un licenciement disciplinaire et basée sur un abandon de poste, vous devez agir dans le délai de 2 mois à compter de la connaissance de l’absence injustifiée de votre salarié.
  • Par ailleurs, veillez à enjoindre par écrit (le recommandé est conseillé dans ce cas) à votre salarié soit de reprendre son poste de travail soit de justifier ses absences sous huitaine, par au moins deux fois avant de convoquer votre salarié à un entretien préalable.
  • Organiser une visite de reprise auprès de la médecine du travail à l’issue du dernier arrêt de travail fourni par votre salarié s’il y a eu un premier arrêt de travail avant l’absence de nouvelles de votre salarié même si vous n’avez aucun retour ni information à son sujet. Cette obligation ne vaut que pour une absence d’au moins 30 jours dans le cadre d’un premier arrêt maladie d’origine non professionnelle. Si la médecine ne souhaite fixer une visite de reprise en l’absence de reprise effective du poste par le salarié, vous pouvez tout au moins adresser un courrier recommandé à la médecine du travail pour en demander l’organisation.

Sachez tout de même qu’un licenciement fondé sur le manquement du salarié à son obligation de loyauté, qui résulterait de son abstention délibérée de justifier de son absence mêmes après plusieurs mises en demeure, pourrait être admis.

La rédaction de la lettre de licenciement reste particulièrement importante notamment le fait d’évoquer impérativement le comportement déloyal du salarié pour éviter tout interprétation malheureuse des conseillers prud’homaux.

Conclusion : qu’il s’agisse d’un accord officieux avec le salarié pour lui permettre de percevoir l’ARE (Allocations de retour à l’emploi du Pôle emploi) ou bien de la volonté d’actionner votre pouvoir disciplinaire, vous restez exposé à un réel risque de requalification de la rupture du contrat à vos torts devant un Conseil des prud’hommes.

Le reçu pour solde de tout compte : Attention à la signature

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