Retour sur le covid : pouvait-on vraiment rompre le CDD du fait de sa seule survenance ?

20 juillet 2023

Employeurs, salariés, notre cabinet vient d’obtenir un décision en matière sociale qui, sauf erreur, n’a toujours pas été tranchée dans une situation similaire par la chambre sociale de la Cour de cassation

Nous défendions plusieurs salariés en long CDD (15 mois) d’une même entreprise pour accroissement temporaire d’activité dont le contrat avait été rompu à la fin du printemps 2020 pour cas de force majeure en raison de l’épisode covid et de l’écroulement du secteur d’activité de l’évènementiel (annulation de tous les séminaires, forums internationaux etc.).

La Cour de cassation avait déjà pu retenir :

« que le ralentissement ou même la cessation d’activité pendant un certain temps ne constituait pas un cas de force majeure autorisant la rupture anticipée du contrat à durée déterminée du salarié »

(Cass. Soc. 10 janvier 1990 n°87-43.366).

Pour rappel, les épidémies précédentes, à l’instar de la grippe H1N1 (CA Besançon, 8 janv. 2014, RG no : 12/02229), du virus de la dengue (CA Nancy, 22 nov. 2010, RG no : 09/00003), ou de l’épidémie de chikungunya (CA Basse Terre, 17 décembre 2019, n°17-00.739) n’ont pas été qualifiées de faute majeure car le critère de l’irrésistibilité n’était pas satisfait.

Néanmoins, le caractère exceptionnel n’avait pas été tranché depuis par la Cour de cassation, la crise sanitaire liée à la Covid19 étant encore trop récente.

Si les conséquences de la Covid ont été de plus grande ampleur, les dispositifs de sauvegarde de l’emploi mis en place l’ont été également.

Les aides étatiques perçues et à venir au titre de l’activité partielle à la date de rupture du contrat de travail, par leur ampleur, constituaient par conséquent un point qui n’avait pu être apprécié dans les précédents cas d’épidémies.

Le dispositif principal est celui de l’activité partielle, qui est un outil au service de la politique publique de prévention des licenciements économiques qui permet à l’employeur en difficulté de faire prendre en charge tout ou partie du coût de la rémunération de ses salariés.

En effet, jusqu’au 1er juin 2020, l’employeur dont il était question pouvait bénéficier de l’aide de l’État qui lui remboursait la totalité des 70 % du salaire brut versé au salarié, soit une prise en charge à 100 % du chômage partiel.

Par la suite, le ministère du travail a annoncé dès le 25 mai 2020, qu’à partir du 1er juin 2020, l’État continuerait à rembourser 60 % du salaire brut versé au salarié, soit une prise en charge de 85 % du chômage partiel.

Un nouveau décret datant du 29 juin 2020 (n°2020-810), publié le 30 juin précisait que les secteurs de l’événementiel ainsi que des activités reliées comme « les services de réservations et activités connexes » bénéficierait d’un taux de prise en charge de 70 % du salaire brut du salarié. Le salarié perçoit ainsi 84 % de son salaire net.

Ainsi, à partir du 30 juin 2020, ce nouveau décret met en place un taux majoré pour les entreprises particulièrement touchées par la pandémie, à l’instar de l’évènementiel qui relevait de l’activité de la l’employeur. En versant ce taux majoré, l’État a pour intention d’aider davantage les entreprises dans le but de sauvegarder le maximum d’emplois possible.

L’employeur aurait donc pu continuer à bénéficier d’une prise en charge totale du chômage partiel par l’État au moment de la rupture anticipée du CDD.

Ces dispositifs ont pour but de sauvegarder des emplois dans un contexte économique difficile et ont vocation à s’appliquer autant aux contrats à durée déterminée qu’aux contrats à durée indéterminée.

Par ailleurs, il a également été mis en place le dispositif d’activité partielle longue durée. Il sert à aider les entreprises pour faire face à l’impact de la crise sanitaire, avec pour objectif principal de préserver les emplois et les compétences des salariés.

Le but était de permettre aux employeurs de diminuer l’horaire de travail jusqu’à 50 % par l’intermédiaire d’un accord collectif et de bénéficier d’une prise en charge du chômage partiel en contrepartie des engagements en matière de maintien de l’emploi.

L’employeur qui avait été informée de cette possibilité, n’avait pas souhaité se soumettre à ces dispositifs.

Aussi, la précarité liée au contrat à durée déterminée ne pouvait avoir selon nous pour conséquence de les élire à l’opposabilité d’un hypothétique cas de force majeure qui n’avait pas concerné les quatre autres salariés de l’entreprise, eux en contrat à durée indéterminée, qui travaillaient dans le même service et dont le contrat n’avait pas été rompu par l’entreprise.

Cela pouvait aussi constituer de fait une inégalité de traitement entre les salariées en CDD et ceux en CDI.

Ainsi, la baisse d’activité évoquée et la pandémie de Covid19 ne seraient pas susceptibles de constituer un évènement irrésistible, et par conséquent ne pouvaient être considérés comme des cas de force majeure.

De ce fait, selon l’argumentation que nous soutenions, la société n’avait pas justifié d’un motif listé à l’article L1243-1 du Code du travail pour rompre le contrat de travail à durée déterminée des salariés.

La rupture du contrat était donc illicite.

Reprenant notre argumentation, les juges ont pu considérer que l’épisode covid, s’il était un évènement présentant un caractère imprévisible et inédit, n’était pour autant irrésistible au regard du contexte justifié par notre client (dispositif d’activité partielle dont avait commencé à jouir l’employeur avant de vraisemblablement prendre peur devant l’éventualité d’une baisse des aides au printemps 2020).

Par ailleurs, le caractère d’irrésistibilité devait rendre l’exécution du contrat impossible et non plus onéreuse ou plus compliquée.

En raison de la rupture illicite des CDD, nous obtenons des indemnités correspondant aux salaires des 10 mois restant à effectuer pour chaque salarié en raison de la rupture anticipée illicite des CDD, des indemnités de fin de contrat (indemnité de précarité), par ailleurs des DI pour exécution déloyale du contrat de travail.

 

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