Avocat à la Cour
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Chronique du cabinet parue dans La Dépêche du midi – JUIN 2022 pour l’Ordre des avocats de Toulouse
Question : le préjudice moyen né de la perte d’emploi des salariés pour lesquels il serait souverainement jugé par un Conseil de prud’hommes que leur contrat de travail a été rompu soit de manière injustifiée soit aux torts de l’employeur, aurait-t-il régressé de manière certaine depuis l’année 2017 ?
A priori, rien ne permet de l’affirmer.
Ce que l’on sait par contre, c’est que l’indemnisation économique moyenne octroyée par la justice a elle bien régressé à hauteur de 1,3 mois de salaires (et jusqu’à plus de 3 mois de salaires pour les salariés disposant d’une ancienneté de moins de 5 ans).
Alors peut-on voir dans cette statistique un effet indirect du fameux barème « Macron » qui, rappelons-le, se fonde uniquement sur l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise ?
Un bref rappel s’impose.
Le plafonnement légal des indemnités « prud’homales » est une volonté ancienne d’une partie de l’échiquier politique avec pour objectifs de permettre à l’employeur d’avoir une visibilité sur le coût du licenciement de son salarié mais aussi de contribuer à faire reculer les disparités entre le montant des condamnations prononcées par les différents conseils de prud’hommes.
A l’automne 2017, les ordonnances « Macron » ont concrétisé cette volonté avec l’inscription dans le code du travail d’un plancher et d’un plafond d’indemnisation pour les salariés qui contesteraient (de manière fondée) la rupture de leur contrat de travail devant la justice.
Le Conseil constitutionnel alors rapidement saisi jugeait que le législateur pouvait fixer un plafonnement pour la réparation du préjudice des salariés et qu’il n’y avait là aucune atteinte au principe d’égalité devant la loi.
Depuis, et malgré un avis de la Cour de cassation, plusieurs cours d’appels étaient entrées en opposition avec la restriction légale de leur pouvoir d’appréciation en s’affranchissant des plafonds et ce du fait du préjudice particulier qui leur était opposé par le salarié-requérant.
Oui mais voilà, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 prévoit que la loi doit être la même pour tous, « soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Par conséquent, dès lors que des cours d’appels jugeraient dans certains cas d’appliquer la loi et dans d’autres de l’écarter, une insécurité juridique pourrait prospérer, ce qui pose une difficulté.
Dans le même temps, le principe fondamental de réparation intégrale du préjudice subi est prévu par le code civil et rappelons que le contrat de travail est avant tout un contrat.
Dans ce contexte, par 2 arrêts commentés du 11 mai dernier, la Cour de cassation a pu juger que le barème était conforme à la convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail qui impose le versement d’une indemnisation « adéquate » en cas de licenciement injustifié.
Par ailleurs, la Cour de cassation a clos tout débat en écartant toute possibilité de contrôle, par les juges du fond, du barème au regard du principe d’égalité devant la loi rappelé dans la DDHC.
Enfin, elle a jugé que le barème en vigueur pouvait « raisonnablement » permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.
Ces arrêts sont vraisemblablement la dernière étape d’une saga judiciaire vieille de 5 ans.
Alors quel avenir pour ce barème ? En réalité, son évolution dépend maintenant de son auteur, le monde politique donc le législateur, ce qui ne nous empêche pas de prêter d’ores et déjà attention à la situation actuelle des salariés et notamment celle des plus âgés.
Prenons l’exemple d’un salarié cadre de 55 ans « contraint au départ », sans perspective professionnelle et sans retraite à taux plein.
Celui-ci est directement impacté par le barème Macron que ce soit dans le cadre d’une rupture négociée ou d’un contentieux.
Vous l’avez compris, le législateur doit veiller à la vigueur du marché de l’emploi et à l’anéantissement des stéréotypes associés aux travailleurs expérimentés, c’est à ces seules conditions qu’il pourra continuer à résister aux détracteurs du barème.
Qu’il soit sociétal ou par le biais d’incitations économiques, ce changement parait incontournable de surcroît dans la perspective d’un allongement du départ légal à la retraite, prochain chantier du gouvernement actuel.
Par Maître JérémieAHARFI|Avocat Droit du travail Toulouse
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