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L’article L1152-1 du Code du travail pose la définition du harcèlement moral :
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Les points à retenir de la définition du harcèlement moral et qui doivent être nécessairement présents pour que le juge puisse retenir une telle qualification à l’encontre de l’employeur résident :
1) dans le caractère répétitif, récurrent des agissements de harcèlement;
2) leurs conséquences (dégradations des conditions de travail portant atteinte à la santé physique et mentale du salarié, compromission de l’avenir professionnel du salarié);
3) l’absence de désignation du harceleur, ce qui conduit à adopter la conception la plus large possible. Le harceleur n’est pas forcément l’employeur.
Le harcèlement moral peut avoir deux origines :
Exemple : La Cour de cassation a affirmé par exemple qu’un style managérial pouvait être générateur de harcèlement (Cass. soc., 10 nov. 2009, no 07-45.321)
Ont aussi été retenus par les juges : des propos injurieux ou à caractère sexuel, des persécutions injustifiées, le dénigrement devant les autres salariés, des procédure disciplinaires systématiques et non abouties, des retraits de missions, prérogatives et moyens de travail, des procédés d’isolement, le non respect des liens hiérarchiques etc.
Les tribunaux se sont, jusqu’à maintenant, attachés à vérifier que les agissements que le salarié mettait en avant étaient bien répétitifs (Cass. soc., 4 avr. 2006, no 04-43.929).
Un acte isolé ne peut donc satisfaire à la définition légale du harcèlement moral au travail.
Cette exigence d’actes répétitifs va continuer à être exigée dans les cas où la victime ne peut pas relier le harcèlement moral dont elle se plaint à une discrimination prohibée.
Cette répétition est admise même sur une courte période.
Outre le caractère répétitif requis, selon l’article L. 1154-1 du Code du travail, « le salarié établitdes faits permettant présumer des agissements de harcèlement moral ».
La seule obligation du salarié dans l’administration de sa preuve est donc d’établir la matérialité de faits précis et concordants, à charge pour le juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral (Cass. soc., 15 nov. 2011, no 10-10.687).
CONSEIL : Salariés vous pouvez par exemple produire des témoignages de collègues, ou d’anciens collègues la plupart du temps attestant de votre harcèlement. Vous pouvez aussi faire attester les interlocuteurs de la société (fournisseur, clients etc.)
Vous pouvez aussi produire les correspondances avec votre employeur (messagerie interne, SMS, messages laissés sur un répondeur, courriers de sanctions disciplinaires, de rappel à l’ordre) Attention, l’enregistrement à son insu de votre employeur ne constitue pas une preuve admissible en justice car cela constitue un mode de preuve déloyal.
Pensez aussi à notifier par écrit à votre employeur que vous êtes victimes de harcèlement sur votre lieu de travail, qui plus est, lorsque votre notification est restée sans réponse ou action de sa part.
L’article L.1152-1 prévoit que la dégradation des conditions de travail doit « être susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Par conséquent, il n’y a aucune obligation à ce que le dommage se soit déjà produit pour prouver un harcèlement.
En outre, la volonté du législateur a été de ne pas être restrictif quand il parle de dégradations des conditions de travail mais il semble évident qu’il a voulu viser ici les conditions psychologiques de travail.
Sur les conséquences du harcèlement qui ont déjà produit leur effets et en premier lieu l’altération de la santé physique et mentale, dans bien des cas, le harcèlement moral est souvent rejeté par l’employeur au motif que les seuls arrêts de travail fournis par le médecin traitant de ce dernier ne sauraient sous entendre à eux seuls l’existence d’un harcèlement moral au travail.
Néanmoins, si le juge ne peut se fonder uniquement sur l’altération de l’état de santé, à l’inverse, il ne doit pas non plus négliger cet aspect des choses, aussitôt que le salarié l’a soulevé (Cass. soc., 26 mai 2010, no 08-43.152).
Il ne doit négliger aucun des éléments apportés par le salarié. Ainsi le juge doit examiner la pièce médicale produite par la salariée.
En effet, le médecin du travail n’a, en matière de harcèlement moral, aucun monopole et les certificats des médecins traitants doivent être pris en compte par les tribunaux (Cass. soc., 16 juin 2011, no 09-40.922).
Il est à noter qu’un harcèlement n’a pas besoin forcément d’être volontaire pour être retenu par les juges.
Avenir professionnel compromis
Sont visées ici par le législateur la perte de chance pour le salarié de tout espoir de promotion interne mais aussi les vexations publiques qui pourraient mettre en cause un reclassement à l’extérieur de l’entreprise.
L’employeur reste responsable que le harcèlement moral provienne d’une personne qui exerce sur le salarié une autorité de droit ou de fait.
Contrairement aux idées reçues, le harcèlement ne provient donc pas forcément de l’employeur en personne.
Le harcèlement d’un salarié peut être commis par un supérieur hiérarchique, un collègue ou même un subordonné.(Cass.crim, 06/12/2011,n°10-82.266)
De plus, le fait que l’auteur désigné du harcèlement ne soit pas un salarié de l’entreprise n’exonère pas non plus l’employeur de sa responsabilité.
La prévention du harcèlement moral est avant tout confiée au chef d’entreprise. Il lui appartient de prendre toute mesure en ce sens (article 1152-4 du Code du travail) ainsi que d’infliger des sanctions disciplinaires aux salariés auteurs de tels agissements (article 1152-5 du Code du travail).
La prévention doit donc bien être faite en amont, le fait de mettre fin, même rapidement, à des faits de harcèlement n’exonère pas l’employeur de sa responsabilité.
En effet, une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés incombe à l’employeur.
Pour faire simple, si un harcèlement a pu commencer à se produire au détriment d’un salarié, l’employeur est responsable dans tous les cas même en l’absence de faute de sa part.(Cass. soc. 21.06.2006, n° 05-43.914 ; Cass. soc. 10.05.2012, n° 11-11.152).
CONSEIL : Le salarié a alors tout intérêt à faire appel à un avocat pour prendre conseil s’il estime être déjà victime de harcèlement.
De plus, le manquement de l’employeur à cette obligation de résultat en matière de harcèlement justifie la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par la victime du harcèlement (Cass. soc., 23 janv. 2013, no 11-18.855; Cass. soc., 15 janv. 2015, no 13-17.374).
Vers une obligation de moyens renforcée?
Un arrêt très récent de la Cour de Cassation semble offrir la possibilité à l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement moral mais uniquement s’il justifie de conditions très strictes! (Cass, soc. 01/06/2016, n°14.-19.702)
En effet, il appartient à l’employeur de justifier :
Et c’est sans doute cette dernière condition qui posera le plus de difficulté aux employeurs!
CONSEIL : Employeurs soyez donc très vigilants quitte à faire preuve de zèle si vous soupçonnez des problèmes relationnels dans votre entreprise. Cependant, même en l’absence de problèmes connus, vous devez mettre en place dans votre entreprise des actions de prévention et d’information à destination de vos salariés sur le harcèlement moral. Sinon vous pourriez être condamné si un de vos salariés était harcelé sans que vous le sachiez.
FAIRE RECONNAITRE SON HARCELEMENT : MODALITES PRATIQUES
La Cour de cassation considère comme nuls les licenciements prononcés pour inaptitude physique lorsqu’il était établi que cette inaptitude était consécutive à des actes de harcèlement (Cass. soc., 10 nov. 2009, no 07-45.321)
En outre, l’employeur étant considéré comme toujours responsable du harcèlement moral dont un salarié est victime dans son entreprise, il peut se trouver confronté à une sanction de nullité « par ricochet ».
Ainsi, la Cour de cassation a considéré que l’absence prolongée du salarié étant la conséquence du harcèlement moral dont il était l’objet, l’employeur, responsable de cette situation, ne pouvait se prévaloir, pour justifier son licenciement, de la perturbation que cette absence avait causée au fonctionnement de l’entreprise.
Le licenciement a donc été déclaré nul sur le fondement de l’article L. 1132-1 du Code du travail comme étant intervenu en raison de l’état de santé du salarié (Cass. soc., 11 oct. 2006, no 04-48.314) donc discriminatoire..
⇒ Rappelons qu’un licenciement nul pour harcèlement moral donne droit pour le salarié à :
La nullité frappe également les autres ruptures discriminatoires imputables à l’employeur, lesquelles sont requalifiées en licenciements nuls. Il peut s’agir, par exemple, d’une résiliation judiciaire (Cass. soc., 20 févr. 2013, no 11-26.560) ou d’une prise d’acte, consécutives à des actes de harcèlement ou de toute autre situation assimilée par le juge à une rupture du contrat de travail, telle qu’une mise en inactivité (Cass. soc.,9 déc. 2014, no 13-16.045 et no 13-16.731, P+B).
Dans le même esprit, lorsqu’au moment de la rupture conventionnelle, le salarié se trouve dans une situation de violence morale du fait d’un harcèlement moral, la rupture conventionnelle est nulle du fait de son consentement vicié et peut s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 30 janv. 2013, no 11-22.332, Bull. civ. V, no 24).
Lorsque l’acte incriminé n’est pas un licenciement ou une sanction susceptibles d’annulation par exemple un refus d’augmentation de salaire, de promotion – il devra donner lieu à réparation. Cette réparation se traduira par le rétablissement du salarié dans ses droits ou, si l’exécution en nature n’est pas possible, par l’octroi de dommages-intérêts.
Notez pour finir qu’une faute inexcusable de l’employeur, c’est à dire une violation de l’obligation de sécurité de résultat par ce dernier, peut être reconnue par le Tribunal des affaires de sécurité sociale, en cas de harcèlement moral à l’origine d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Le TASS condamne dans ce cas l’employeur à verser des dommages et intérêts à son salarié.
Dans tous les cas, chaque situation est unique et l’assistance d’un avocat expert en droit du travail est très fortement conseillée que vous soyez employeur ou salarié afin de faire reconnaître vos droits..
Maître Jérémie AHARFI
Avocat au Barreau de Toulouse
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