Avocat à la Cour
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La loi Travail entend « simplifier » les règles relatives au fonctionnement des conseils de prud’hommes. Est-ce vraiment une simplification ? Quel impact sur le quotidien des justiciables ? Aujourd’hui, Maître Jérémie Aharfi, avocat au barreau de Toulouse, expert en droit social nous fait l’honneur de confier son analyse !
Avocat au barreau de Toulouse, j’ai fondé ma propre structure après avoir été juriste d’entreprise et avocat collaborateur en droit social.
Mon cabinet exerce une activité tournée exclusivement vers le droit du travail et le droit de la sécurité sociale. Cette expertise en conseil et contentieux est mise au service aussi bien d’employeurs (TPE et PME) que de salariés Cadres et Etam.
A l’aube d’une transformation de la profession d’avocat et de l’émergence des Légal-Tech, je m’efforce de proposer une nouvelle relation entre l’avocat et son client.
Il faut bien comprendre qu’aussi bien la loi du 6 août 2015 dite loi Macron que les 5 ordonnances publiées au Journal Officiel le 23 septembre 2017 et qui doivent être précisées par des décrets d’application à venir, ont toutes les deux le même objectif, même si cela n’est pas clairement dit par le pouvoir exécutif.
Cet objectif est celui de désengorger les juridictions prud’homales, de rendre la procédure plus rapide et de privilégier les accords négociés entre employeurs et salariés par l’intermédiaire de leurs avocats plutôt que de réellement « simplifier » le fonctionnement des Conseils de Prud’hommes.
Sur les délais accordés au salarié pour contester son licenciement devant un Conseil des Prud’hommes, il est désormais unique : 12 mois à compter de la date de rupture effective du contrat de travail depuis l’application des ordonnances Macron.
Auparavant, il était de 24 mois depuis la Loi de Sécurisation de l’Emploi du 14 juin 2013. Notez que ce délai de 12 mois était déjà appliqué pour la contestation du licenciement économique.
En cela, la France s’approche des délais moins longs déjà pratiqués chez la majorité de nos voisins européens. En pratique, les salariés contestaient déjà dans la majorité des cas leur licenciement dans l’année suivant la rupture de leur contrat de travail.
Alors quels sont les points positifs et négatifs de cette « simplification » annoncée des règles relatives au fonctionnement des Prud’hommes ?
On constate objectivement une nette baisse des saisines des Conseils des Prud’hommes, qui s’explique entre autres par la complexité du formulaire de saisine à remplir et du dossier à fournir par le salarié depuis l’application de la première loi Travail du 6 août 2015.
Cela peut engendrer une inégalité d’accès à la justice pour les salariés qui ne pourraient s’adjoindre les services d’un avocat en droit du travail. En effet, certains salariés sont soit découragés avant même de contester leur licenciement soit dépossédés rapidement de leurs recours par le prononcé d’une nullité de procédure.
Cependant, on peut voir deux avantages à cette réforme en deux temps du fonctionnement des Conseils de Prud’hommes :
Seul bémol, les accords amiables actés eux par le Bureau de conciliation et d’orientation sont toujours aussi rares.
Les indemnités « prud’homales » sont en réalité des dommages intérêts auxquels est condamné l’employeur si le Conseil des Prud’hommes requalifie la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ces indemnités s’ajoutent aux indemnités légales de licenciement. Leur montant est déterminé en fonction de l’ancienneté du salarié mais aussi de la taille de l’entreprise.
Le plafonnement des indemnités « prud’homales » traduit une volonté ancienne du pouvoir exécutif de permettre à l’employeur d’avoir une visibilité sur le coût du licenciement de son salarié mais aussi de faire disparaitre les disparités afférentes au montant des condamnations d’employeurs entre les différentes juridictions prud’homales.
Il s’agit donc d’un tableau-barème de plafonnement impératif prévu par le Code du travail et qui devra nécessairement être pris en compte par les conseillers prud’homaux. Celui-ci remplace un barème préexistant mais qui avait seulement une valeur indicative suite à la censure du Conseil constitutionnel.
Ainsi, un salarié qui a par exemple 3 ans d’ancienneté dans une entreprise d’au moins 11 salariés ne pourra recevoir au maximum que 4 mois de salaires quand auparavant il était assuré d’une indemnisation minimum de 6 mois de salaires.
Le barème prévoit jusqu’à un plafond maximum de 20 mois de salaires pour un salarié disposant d’une ancienneté de 30 ans et plus.
Les préjudices seront-ils réparés intégralement ?
En réalité, les plafonds auront plus d’impact sur les petites anciennetés (moins de 5 ans) et c’est surtout la mise en place d’un plancher applicable de 3 mois de salaires pour toutes les anciennetés d’au moins un an contre auparavant un plancher de 6 mois de salaires pour les anciennetés d’au moins 2 ans, qui pourrait peut-être altérer la réparation du préjudice subi par le salarié.
Les salariés d’entreprises de moins de 11 salariés eux ne pourront obtenir au maximum que 2,5 mois de salaires, quelle que soit leur ancienneté en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse.
La réparation intégrale des préjudices est un principe juridique fondamental en droit civil notamment en matière de responsabilité contractuelle. Le contrat de travail est un contrat à part entière. Par ce plafonnement, on peut voir une atteinte à ce principe puisqu’il laisse moins de liberté d’appréciation aux juges sur l’étendue et l’indemnisation de l’ensemble des préjudices du salarié avec l’application d’un barème ne se fondant que sur l’ancienneté et la taille de l’entreprise.
Cependant, ce barème ne s’applique pas tout le temps. Ainsi, pour ne citer qu’eux :
Le barème dans de tels cas ne s’appliquera pas. Ces situations ne sont pas concernées par ce plafonnement. Le droit à la santé, le droit à la dignité sont autant de libertés fondamentales du salarié …
Les indemnités légales de licenciement sont des indemnités prévues par le Code du travail et dont le salarié disposant d’au moins un an d’ancienneté peut bénéficier s’il n’a pas commis de faute grave ou lourde. Elle est désormais d’un quart de salaire moyen mensuel brut par année d’ancienneté au lieu d’un cinquième de salaire avant les ordonnances Macron. Une Convention collective peut parfois prévoir un calcul de l’indemnité de licenciement plus favorable pour le salarié.
Les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont quant à elles octroyées par les juges. Ce sont des indemnités supra-légales accordés par les juges et qui ont pour objet d’indemniser le préjudice lié à la perte de l’emploi du salarié. Ce sont elles qui font l’objet d’un plafonnement.
Cette hausse d’indemnité légale reste relativement faible et profitera surtout aux grosses anciennetés. Elle était censée contrebalancer la mesure de plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Nous avons appris dernièrement qu’elle ne concernait que les dix premières années d’ancienneté.
Tous les cas de licenciement sans exception seront contestables que dans la limite de douze mois à compter de la date de rupture du contrat de travail.
Les entretiens en cours de vie professionnelle peuvent prendre plusieurs formes. Certains sont des obligations pour l’employeur, d’autres non. Ils permettent surtout à l’employeur de communiquer avec son salarié. Les compte-rendu d’entretiens constituent aussi souvent des pièces produites devant un Conseil des Prud’hommes.
Les bilans de compétences et bilans professionnels ont aussi des objectifs distincts :
A ce dernier titre, les entretiens liés au suivi de la charge de travail et au temps de travail du salarié cadre sont souvent négligés par les employeurs. Pourtant les condamnations sont lourdes devant les Conseils de Prud’hommes.
Parler de désertion des Conseils de Prud’hommes serait un peu fort. Il y aura toujours des saisines tant qu’il y aura des employeurs et des salariés, mais on constate nettement devant le succès incontestable et toujours en progression des ruptures conventionnelles, que le souhait d’éviter une procédure qui peut prendre plusieurs années est de plus en plus fort chez chacune des parties..
En qualité d’avocat en droit du travail, j’obtiens de manière régulière pour le compte de mes clients Cadres supérieurs, cadres et ETAM sur l’ensemble du territoire français, par négociation avec le conseil de leur employeur, le versement d’indemnités supra-légales au salarié et ce dans des délais restreints quand les éléments du dossier le permettent.
On retient souvent uniquement le plafonnement des indemnités de licenciement des dernières ordonnances Macron. Pour ma part, je ne crois pas à une baisse drastique du montant des condamnations devant les Conseils des Prud’hommes.
Le contexte de la relation de travail sera toujours apprécié par les conseillers prud’hommaux et la réparation des préjudices pourra s’effectuer sur d’autres postes non plafonnés, tel que ceux afférents à l’exécution déloyale du contrat de travail et à la violation des droits fondamentaux du salarié
Là aussi on voit le rôle de plus en plus nécessaire que va jouer l’avocat rompu à la matière sociale dans les prochaines années aussi bien en négociation qu’en contentieux.
Salariés, faîtes valoir vos droits !
Maître Jérémie AHARFI
Avocat au Barreau de Toulouse – Expert en Droit du travail
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