Une prime versée au salarié pendant 13 ans constitue-t-elle un élément du contrat de travail ?

14 janvier 2016

La Cour de Cassation dans un arrêt du 17 novembre 2015 n° 14-18972, est revenue sur le cas d’un salarié qui s’était vu verser une prime par son employeur pendant 13 années consécutives.

Le salarié embauché en 1999, ne disposait pas de contrat de travail et estimait que cette prime, par son caractère répétitif, avait été incluse à son contrat de travail.

La Cour d’Appel avait rejeté la demande du salarié estimant que celui-ci n’apportait jamais la preuve de l’usage du paiement de la prime.

La Cour de Cassation contredit la décision de juridiction d’appel, en affirmant que les juges auraient du vérifier, comme le soutenait le salarié initialement, si la prime ne constituait pas un élément du contrat de travail.

Profitons-en pour rappeler les 3 critères nécessaires à la qualification d’usage :

  • la généralité : l’avantage bénéficie à l’ensemble du personnel salarié ou à une catégorie bien déterminée ;
  • la fixité : l’usage s’applique selon des modalités fixes, stables. Par exemple, si  l’employeur verse une  prime annuelle, son mode de calcul doit être constant et fixé à l’avance, avec des critères objectifs ;
  • la constance : l’avantage est versé régulièrement et l’a déjà été plusieurs fois de suite.

Rappelons par ailleurs que l’usage d’entreprise relève d’une décision unilatérale de l’employeur qui est libre de créer l’avantage tiré de l’usage, comme de le supprimer, sous la seule réserve de respecter les formalités inhérentes à la procédure de dénonciation.

Ainsi, les avantages résultant d’un usage ne constituent  pas des éléments du contrat de travail. La Cour de Cassation l’affirme clairement en énonçant que l’avantage tiré d’un usage « n’est pas incorporé au contrat de travail.» ( Cass. soc., 6 juill. 2005, no 04-45.037)

Néanmoins, l’employeur peut toujours décider de contractualiser cet usage en insérant dans un contrat de travail, l’avantage jusque-là octroyé au seul titre de l’usage. Dès lors qu’il accomplit une démarche individuelle vis-à-vis d’un salarié.

Exemple : la proposition faite par l’employeur au salarié d’instaurer une nouvelle méthode de calcul des salaires, entraînant la suppression des primes antérieures et l’instauration d’une prime de production et d’une gratification annuelle, et acceptée par ce dernier, vaut incorporation de ces avantages au contrat de travail.

Dans tous les cas, l’employeur devra toujours pouvoir se justifier si l’usage a été retranscrit dans certains contrats, et pas dans d’autres, en application du principe d’égalité de traitement des salariés placés dans une même situation. (Cass. soc., 28 mai 2003, no 02-40.144).

Attention  cependant, la seule référence, dans un contrat de travail, aux usages en vigueur au sein de l’entreprise, ne permet pas de dénaturer ces usages et leur donner une valeur contractuelle.

De même le fait pour l’employeur de solliciter l’avis des salariés sur la suppression d’un usage ne confère pas à celui-ci une nature contractuelle. (Cass.soc., 18 sept.2013, n°12-15.328)

Les juges du fond, souverains en la matière, doivent donc rechercher au cas par cas si la mention d’usages dans le contrat de travail constitue une simple information ou résulte d’une volonté claire et non équivoque de l’employeur d’incorporer au contrat de travail les avantages tirés d’usages en vigueur dans l’entreprise.

C’est à la seule condition d’une véritable « contractualisation » de ces avantages que le salarié pourra éventuellement se prévaloir en justice, d’une modification de son contrat de travail sans son accord.

Comment l’obligation de sécurité est-elle aussi applicable au salarié ? L’arrêt n° 14-12.403 du 7 octobre 2015

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